Rail, bus, métro : Malaise social dans le service public des transports

Pénurie de personnels, maintenance parfois insuffisante, ce qu’a acté le procès de l’accident de Brétigny…
Le constat est unanime : dans les transports ferrés, les bus urbains et interurbains, le service public paraît à bout de souffle, particulièrement en Île-de-France où l’ouverture à la concurrence du réseau de transport en commun se matérialise concrètement et pèse sur l’attractivité des métiers. Le processus de libéralisation, que FO dénonce et combat, va durer vingt ans.
Après la bascule progressive du réseau des bus de la grande couronne parisienne entamée en 2021, il touchera le ferroviaire et les tramways en 2023, le réseau des bus parisiens RATP en 2025, jusqu’aux métros et RER en 2040.
Les salariés sont les premiers à subir les désengagements publics au prix, souvent et d’abord, d’une détérioration des conditions de travail.

D es temps d’attente de plus en plus longs, des rames de métro bondées, des RER ou TER qui circulent moins, des bus trop rares quand leurs services ne sont pas purement annulés… Depuis la rentrée, les Franciliens constatent la dégradation de la qualité du service public de transport. Selon les chiffres de la Région, en septembre et octobre, 26 % des bus n’ont pas roulé dans le réseau RATP (couvrant Paris et sa petite couronne). Les lignes de métro les plus dégradées ont affiché des régularités comprises entre 84 % et 92 %. Dans les réseaux de bus de la grande couronne parisienne, attribués à des opérateurs privés dans le cadre de la délégation de service public, c’est un peu mieux : 90 % à 92 % des bus ont circulé.

Des pénuries aux sous-effectifs

À cette réduction du service aux usagers, il y a de multiples raisons. D’abord, l’amoindrissement de l’offre, Île-de-France Mobilités (l’autorité qui organise et finance les transports publics dans la Région) ayant décidé, fin 2021 et jusqu’à décembre 2022, de maintenir une offre de transports inférieure à ce qu’elle était avant la pandémie, pour faire des économies (il lui restait en novembre 950 millions d’euros à trouver pour boucler son budget 2023). Ce qui ne l’empêche pas, au passage, de faire payer à la RATP de lourdes pénalités pour non-conformité du service rendu.

La désaffection qui touche les métiers du transport est une autre explication. Si elle est généralisée sur tout le territoire (il manquerait 8 000 chauffeurs pour les bus et cars selon l’Union des transporteurs publics), elle touche de manière aiguë la région parisienne. Au point qu’Île-de-France Mobilités a annoncé en septembre – complète nouveauté – une prime de 2 000 euros pour tous les demandeurs d’emploi y choisissant une formation de conducteur. La RATP, qui cherchait à recruter plus de 800 conducteurs en septembre, en est arrivée, elle, à proposer des primes de cooptation à ses salariés, à faire appel à des retraités, à baisser l’âge à partir duquel elle recrute des jeunes en alternance (de 21 à 18 ans). Du jamais vu. Mais une nécessité pour limiter le sous-effectif.

Conséquences anticipées du big bang de l’ouverture à la concurrence

Car, autre rupture, le groupe public fait face à des démissions et à une explosion de l’absentéisme, précise Jean-Christophe Delprat, secrétaire fédéral chargé de la RATP à la fédération Transports et Logistique FO-UNCP.

Le compte à rebours de l’ouverture à la concurrence des bus RATP, qui sera effective le 1er janvier 2025, alimente un malaise social. 18 000 machinistes-receveurs (26 % des effectifs) sont susceptibles de changer d’employeur, en fonction des appels d’offres. Mais ils ne savent pas pour qui, ni dans quelles conditions, ils travailleront à cette date, commente le militant FO.

Le programme d’ouverture à la concurrence – imposé par un règlement européen – va imposer une véritable révolution dans l’univers des transports publics d’Île-de-France : la fin des monopoles dans l’exploitation de toutes les lignes de bus et dans le domaine ferroviaire. Le processus va durer vingt ans : entamé en 2021 dans le réseau d’exploitation des bus de la grande couronne parisienne, il se poursuivra dans le ferroviaire (réseau Transilien de la SNCF) et les tramways en 2023, dans le réseau de bus parisien de la RATP en 2025, jusqu’aux métros et RER à l’horizon 2040.

Dégradation des conditions de travail

Dans ce contexte, la bascule progressive dans la concurrence des réseaux de bus de la grande couronne parisienne est scrutée de près à la RATP. Sans surprise, l’exemple agit comme un repoussoir.

À la RATP, les machinistes-receveurs ont déjà un avant-goût du sort qui leur sera réservé au 1er janvier 2025. Depuis août, au motif de les préparer aux conditions d’exploitation de l’ouverture à la concurrence, la Régie leur impose un temps de travail quotidien augmenté de 46 minutes. La RATP fait de la productivité sur le dos des agents. Augmenter ainsi le temps de travail va lui permettre d’économiser 1 000 emplois en équivalents temps plein, note Hani Labidi, secrétaire RDS-FO-Groupe RATP. Dialogue social, contestations en justice, manifestations : le syndicat fait feu de tout bois dans sa lutte contre l’ouverture à la concurrence. Depuis septembre, il appelle les machinistes-receveurs à des grèves individuelles de 59 minutes chaque jour. En mars, mai et juin, ses appels à manifester contre la casse des conditions de travail ont été très suivis. À chaque manifestation, FO RATP-RDS reçoit le soutien de FO-Cheminots. La volonté politique effrénée de la casse des services publics sert de raison à la casse sociale des agents y étant affectés. Ce qui vaut à la SNCF vaut aussi à la RATP ; à même politique, mêmes maux. À commencer par le manque d’effectifs, notait au printemps FO-Cheminots dans un tract. À la SNCF aussi, où la réforme de 2018 a mis fin au recrutement au statut de cheminot, il manque des agents de conduite : 1 200 selon le dernier comité central du groupe, précise Philippe Herbeck, secrétaire de FO-Cheminots, qui s’oppose à l’ouverture à la concurrence du Transilien.

LE DOSSIER COMPLET EN PDF :

Dossier transport.pdf – 3372-infomilitante