La Tribune – 22 avril 2015

« Il y a un risque de contournement des syndicats dans l’entreprise »

Jean-Claude Mailly (Force ouvrière) craint que le projet de loi sur le dialogue social affaiblisse le CHSCT et permette de contourner les syndicats (Crédits : AFP) Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut | 22/04/2015 Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, estime que le projet de loi Rebsamen sur la modernisation du dialogue social contient de nombreux effets pervers. Le CHSCT risque d’être affaibli et le fait syndical pourrait être contourné.

La Tribune – Pour Force ouvrière, qu’est-ce qui ne va pas dans le projet de loi ?

Jean-Claude Mailly – Plusieurs points nous gênent. D’abord, il va y avoir un affaiblissement du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans les entreprises de moins de 300 salariés car ses membres vont être intégrés dans la Délégation unique du personnel (DUP). Au total, il y aura moins de délégués et moins d’heures de délégation. Difficile, dans ces conditions, de travailler correctement. D’autant plus que, avec la DUP, ce sont les mêmes personnes qui vont à la fois siéger dans le CHSCT, dans le comité d’entreprise et qui seront aussi délégués du personnel. C’est beaucoup, et, je le répète, c’est une façon d’affaiblir le CHSCT qui a ses spécificités.

Quant à la possibilité dans les entreprises de plus de 300 salariés d’organiser une représentation du personnel à la carte après la conclusion d’un accord majoritaire, je me méfie. Car, en général, l’accord majoritaire permet de déroger à la loi de manière négative pour les salariés.

Et que pensez-vous des commissions paritaires pour représenter les salariés des TPE ?

Ces commissions régionales sont trop éloignées des entreprises. Nous, à Force Ouvrière, nous plaidions pour des commissions au sein des branches, qui auraient été plus proches du terrain et qui connaîtraient mieux les spécificités de tel ou tel secteur.

La façon dont est rationalisée la consultation des instances et la négociation d’un accord vous convient-elle ?

Non, car il y a un danger. En regroupant certains sujets qui doivent donner lieu obligatoirement à une négociation, le projet de loi autorise pour la première fois les entreprises à négocier ensemble sur l’intéressement et les salaires. Ce qui va accroître encore la confusion entre ces deux éléments qui ne sont pas de même nature. Par ailleurs, quand il n’y a pas de syndicats dans l’entreprise, le projet de loi donne la possibilité de conclure un accord avec un élu mandaté par un syndicat. Mais, jusqu’ici, un accord signé par un élu ou un salarié mandaté devait être approuvé par une commission mixte paritaire. Cette condition a été supprimée. J’ai peur que cela
conduise à un contournement du fait syndical. De toute façon, à FO, nous n’avons jamais considéré le mandatement comme la panacée. On sait trop bien comment cela se passe dans les entreprises où, bien souvent, c’est l’entreprise qui paie la cotisation syndicale du salarié mandaté au syndicat de son choix.

Quel est votre avis sur l’instauration de la nouvelle prime d’activité ?

Bien entendu, les salariés faiblement rémunérés seront contents. C’est indéniable. Et j’espère que cette prime sera étendue aux étudiants qui travaillent pour payer leurs études. Mais j’aurais préféré, pour eux, qu’on s’occupe plutôt de la question des bourses. Car la priorité pour un étudiant ce sont d’abord ses études. Plus généralement, ce genre de prime induit tout de même un effet pervers. L’entreprise sera tentée de ne pas augmenter un salarié pour ne pas risquer de lui faire perdre sa prime.

Et que pensez-vous du futur compte personnel d’activité, que François Hollande qualifie déjà de plus grande réforme sociale du quinquennat ?

Force ouvrière n’est pas impliquée dans la préparation du Congrès du parti socialiste…

ITW La Tribune - 22.4.2015 (1)
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